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BIOGRAPHIE

 Jean GOBAILLE est né en 1895 à Rennes. Ce militaire de carrière mena de front une vie d'artiste riche et entière. Il fut également professeur de dessin avant de se consacrer entièrement à sa peinture . Son oeuvre est essentiellement régionale. Jean Gobaille peint sa ville de Rennes : le marché des Lices, la place Railler du Baty, la basilique Saint-Sauveur ou les quais la nuit. Il illustre également les ports et plages de Bretagne tels que le Pouliguen, le Croisic ou Saint-Briac. Le premier achat de l'Etat français remonte à 1923. Il expose en 1932 aux Galeries Jobbé-Duval à Rennes. Le journal régional Ouest Éclair en fait le compte rendu suivant dans son édition du 15 décembre : "[...] un de nos meilleurs artistes rennais, le peintre Jean Gobaille fait une exposition de ses dernières oeuvres ; l'Automne au Thabor, c'est ainsi qu'il a intitulé l'ensemble des toiles sur lesquelles il fait revivre, d'une façon éclatante, les plus beaux coins de notre merveilleux Jardin des Plantes". Cette même année l'Etat se porte acquéreur d'un pastel: l'incendie de l'ancienne chapelle des Calvairiennes à Rennes pris sur le vif en avril 1931. L'artiste s'éteindra dans sa ville de Rennes en 1969. 

Il laisse derrière lui une oeuvre immense et variée, reflétant sa sensibilité, ses voyages et ses épreuves. Elle reflète aussi un goût parfois résolument naturaliste, parfois tenté par une vision idéalisée de la réalité.

Son dévouement à son art fut entier, même lorsque les obus éclataient autour de lui. Ce fut son précieux carnet de croquis à la main qu'il fut blessé à trois reprises lors de la Grande Guerre. Afin de rendre hommage à son courage et à son précieux témoignage pictural, l'école St Cyr-Coëtquidan lui dédia l'une de ses promotions et lui consacra une partie de son musée.

 

Son carnet de notes et les rapports de ses supérieurs le décrivent comme un homme courageux, devoué, avec une haute conception de son devoir.

 

Ses premières gouaches laissaient présager un grand talent dans

l'art de peindre et dessiner.

 

Il fit tout d'abord ses armes a l'école de Fontainebleau et c’est en tant que brigadier d’artillerie qu’il débuta la guerre, le 2 aout 1914. Trois fois blessé, trois fois l’objet de citations, il fut promu maréchal des logis puis sous-lieutenant le 23 mai 1917. Son sang froid et sa bravoure lui valèrent le respect de ses hommes et de sa hiérarchie.

Il reçu la croix de guerre, fut fait chevalier de la légion d’honneur puis officier dans cet Ordre.

 

Ses talents de peintre sont aussi remarqués dans l'armée et on lui confie la création de plusieurs insignes de régiment.

Une fois démobilisé, c'est  pendant ses années de garnison en Lorraine qu'il rencontre celle qui allait devenir sa femme, Marie Thérèse Détrie. On raconte que leur passion pour le tennis leur en a fournit l'occasion à moins que ce ne soit l’armée elle-même puisque Marie Thérèse s'y était engagée comme infirmière volontaire.  Ils se marient à Nancy en Novembre 1920. C'est la aussi que nait Yvon, leur premier fils. Colette, leur première fille, naîtra en la proche ville de Metz.

 

L'officier d'artillerie Jean Gobaille est bientôt renvoyé dans sa ville de Rennes où il installe sa petite famille rue Dupont des Loges, dans une maison de ville appartenant a ses parents.

 

Il consacre de plus en plus de temps à sa peinture et se familiarise avec le monde de l'art de sa région. Il gagne le respect de M. Jobbé Duval, propriétaire d'une galerie de Rennes, qui, convaincu de son talent, exposera longtemps ses peintures. Il côtoie aussi régulièrement le directeur du musée des Beaux Arts, M. Pierre Gallé, qui l'honore de ses conseils et l'introduit à la Société des Artistes Francais à Paris. Il y enverra regulièrement quelques unes de ses toiles pour être exposées dans leur célèbre Salon. L'une d'entre elles sera achetée par la Société des Amis des Arts. Une autre recevra la mention "honorable". Nous sommes en 1934. Il rencontre M Dubreil, un autre galiiériste rennais  qui exposera fidèlement sa production picturale à partir de 1947.

 

Suite à ces expositions, la ville de Rennes, puis l'état lui achète certaines de ses toiles.

C'est entre les 2 guerres que naîtra un deuxième fils, Jean Louis, puis une deuxième fille, Francoise.

 

La vie s'écoule, heureuse, au rythme des piques-niques dominicaux, inévitablement suivis de nouveaux tableaux.

On entasse chien, enfants et chevalet dans la nouvelle Citroën B14 et on part à la recherche du prochain coin de campagne qui non seulement recevra une jolie nappe à carreaux mais sera aussi dûment immortalisé.

 

Sa notoriété grandit  mais ne dépasse guère sa région, ses obligations militaires et familiales ne lui laissant pas le temps de développer ses relations dans le milieu de l’art  parisien. 

 

Rennes reste alors son fief et c'est dans cette ville que seront majoritairement exposées ses oeuvres, dans les galleries Jobbé-Duval et Dubreil (Beaux-arts), alternativement.  Et c’est son environnement proche, c’est à dire la Bretagne, qui reste son principal sujet.

C'est au cours de vacances en famille dans l'est de la France que la déclaration de guerre de 1939 le surprend. Il rejoint immédiatement ses quartiers pendant que femme et enfants retournent à Rennes. Très vite, c'est la déroute mais avec son régiment il arrive à rejoindre Le Havre puis gagner l’Angleterre d’où il s’embarque pour l’Algérie puis le Maroc.

Sa femme, Marie Thérèse, en l'apprenant, n'hésite pas et, après avoir obtenu miraculeusement un laisser-passer de la "kommandantur", quitte Rennes par le train en 1942 avec bagages et enfants, (Anne Marie , la dernière née n’avait qu’un an), traverse la ligne de démarcation puis gagne Meknès, l'une des villes impériales du Maroc. C'est là que son mari, Jean, l'attend. Ils y passeront toute la guerre. 

Il ne sera pas souvent auprès de sa famille car, suite à son intégration dans l’armée française libre et au ralliement des troupes de Vichy de l’Afrique du Nord, il doit participer sous l’autorité du général Juin à la campagne de Tunisie (1942-1944) contre les troupes de l’Axe (généraux Nehring, Von Arnim et Rommel) et à toutes les actions de guerre dans cette région aux côtés des anglais et des américains. Il est affecté au commandement d’une batterie de DCA et ce, jusqu’en 1944, où il participe à la campagne de Provence puis celle du Rhin Danube, toutes deux sous les ordres du Général Delattre de Tassigny.

C'est surtout dès son arrivée au Maroc et dans les quelques mois qui suivirent qu'il trouve le temps de peindre. La palette de cette période s'est adaptée à son environnement: des tons secs et chauds reflètent la lumière si particulière du Nord de l'Afrique. Les personnages, eux, sont toujours ébauchés rapidement, de quelques aplats de couleurs et de quelques traits rapidement esquissés; ils sont là sans être là, comme absorbés par la lumière et la poussière en suspension, concentrés sur cet instant de vie qui ne semble pas leur appartenir. 

il peint la ville et les alentours de Meknes, Rabat la capitale, ou même la station balnéaire de Salé où il emmène sa famille en vacances, peut-être dans sa belle jeep qui lui a été assignée par l’armée américaine. Quelques paysages arides et dépouillés, quelques ruines de marabouts, quelques palmiers à l'heure de midi, quelques vues de jardins (comme les célèbres Oulaias). Pas de couchers de soleil oniriques comme chez les orientalistes, pas de visions symbolistes; juste l'humble realité du présent.

 

Il pratique la photographie assidûment et s’en sert parfois dans ses peintures bien qu’il préfère peindre sur place, quelles que soient les conditions climatiques. Les enfants grandissent vite et se retrouvent souvent sur la pellicule. le Maroc est un merveilleux terrain d'aventure. Cela n'empêche pas l'aîné, Yvon, de s'engager dans les forces françaises libres, ce qui le fera participer à la campagne d'Italie de 1943 à 1944.

 

Ce n'est qu'après la libération de la France que toute la famille quitte le Maroc en 1945, pour rejoindre d’abord Nancy où l’accueille sa soeur (surnommée la tante Bonnejoie), puis Rennes, mais manquent à l'appel le chef et l’aîné de la famille car il sont affectés tous deux aux troupes d’occupation, en Allemagne. Jean Gobaille sera ensuite nommé commandant de l’artillerie anti-aérienne des troupes d’occupation en Autriche avant d'être enfin démobilisé et de prendre une retraite méritée comme Lieutenant Colonel.

 

Le reste de la famille se loge d’abord boulevard de Sévigné à Rennes, puis dans l’impasse Orain car vers la fin de la guerre, leur maison située rue Dupont des Loges avait été rasée par un bombardement allié - le pont qu'il visait est, lui, resté intact!!-

 

Dans le cadre des réparations de guerre un immeuble est construit au même emplacement et, après une année d’attente, la famille peut enfin s'y installer et reprendre le cours d’une vie normale.

 

S'ensuit une période intense et productive pour le peintre, ravi de retrouver ses paysages bretons, mais aussi Rennes, sa ville en partie en ruine, qu’il peint sous la pluie, sous la neige, avec ses ciels plombes, ses marchés typiques, son parlement, sa place de la mairie qu'il peindra tant de fois.

 

 

 

 

A parcourir la liste des tableaux accrochés aux cimaises des expositions, s'impose l'amour infini de Jean Gobaille pour la Bretagne: celle qu'il servit humblement toute sa vie, de la même manière qu'il servit la France dans tous ses combats. 

 

Elle represente une source d'inspiration sans cesse renouvelée: ses bocages humides et a demi-sauvages, ses rivages granitiques si tourmentés, ses ciels doux et changeants avec toutes les déclinaisons de gris qu'ils engendrent, du plus subtil au plus dramatique. Elle est autant d'opportunites pour le peintre de demontrer toute la poésie et toute la diversité de l'impressionisme dont il devient, de manière magistrale, l’adepte passionné.

 

Le critique d'art rennais, Henri Terrière, dit de lui:

" Ce peintre plaît à ses concitoyens par son application et sa fidélité à la nature. Dans cette peinture du réel enjolivée par une douce poésie, beaucoup aiment retrouver ce qu'ils ont vu et ressenti eux-mêmes.

Jean Gobaille a maintenu son genre traditionnel. Il est délibérément resté proche d'un impressionisme où la forme demeure précise dans le jeu des lumières, où les gris se teintent avec légèreté. Cette science des demi-teintes est celle qu'il affectionne le plus..."

 

 

 

Son chevalet ne le quitte plus, où qu'il aille, quel que soit le lieu, le climat ou la circonstance. Les vacances rituelles à la Baule présentent de nombreuses opportunités pour s'isoler face aux éléments naturels, sur les rochers de la "côte sauvage" du Croisic, dans le vent chargé d'écume, devant les chalutiers amarrés au port de la Turballe, devant les chaumières de la Grande Brière ou au milieu des marais salants de Guérande.

Ces temps de villégiature lui permettent aussi de croquer en quelques coups de crayon, dans un style particulièrement enlevé, les baigneurs sur la célèbre plage dont il remplit des carnets entiers.

 

Sa peinture acquiert parfois des accents fauvistes tel un Van Gogh mais jamais il ne voulut trop s'éloigner de son inspirateur, le grand Cézanne, qui eut sur lui une réelle influence.

Il affectionne particulièrement les "marines" qu’il avait déjà commencé à peindre entre les 2 guerres. Il est séduit par ces bateaux nonchalamment échoués sur les grèves du Golfe du Morbihan ou de la côte du Finistère. Ils deviennent l'un de ses sujets de prédilection.

 

Il n'hésite pas a user de l'art de la photographie qui lui paraît être un complément à ses pinceaux, bien utile pour capter des effets de lumière changeants, pour saisir une scène improbable ou tout simplement faire oeuvre d'historien éclairé en conservant sur pellicule un monde en voie de disparition.

Il accepte bientôt un poste de professeur de dessin a l’école St Vincent de Paul où ont etudié de nombreux garçons de la famille. Il donne aussi des cours particuliers de dessin. Les ventes ne sont pas régulières et sa pension militaire aide aussi à faire face aux périodes de vache maigre. Cependant Marie Thérèse veille et la barque est bien menée, par tous les temps. Comme toujours, sa ténacité, son courage, sa verve et son abnégation font des miracles.

Jean Gobaille était aussi connu pour ses scènes extérieures de nuit, éclairées par les enseignes aux néons de couleur qui commencaient à fleurir un peu partout en France. Ce n’est pas un sujet facile mais il s'en sert avec brio pour expérimenter des effets nouveaux, bien plus hardis qu'à l'habitude, à la limite du pop art et de l'expressionisme ou du film noir. Etonnants tableaux qui ne manquent pourtant pas d'exprimer avec justesse les atmosphères nocturnes et urbaines dans les années soixante.   

Il devient une figure du milieu artistique rennais et les vernissages se succèdent comme ici a la gallerie des Beaux-Arts, en pleine conversation avec ses collègues enseignants au collège St Vincent de Paul. 

 

Les années passent, ses enfants grandissent et héritent tous de sa veine artistique: Yvon devient architecte, Jean Louis devient cinéaste publicitaire. Colette, elle, s’initie à la peinture sur soie, Francoise s'essaie au dessin de mode après des études à l'école des Beaux-Arts tandis qu'Anne-Marie s'exprime dans la dance classique, si bien qu'elle finira par l'enseigner.

 

 

 

Les premiers petits enfants apparaissent et associent vite leur grand-père à l'odeur de térébenthine. Certains hériteront aussi en partie de sa fibre artistique.

 

C'est l'année ou le premier homme marche sur la lune que Jean Gobaille choisira de s'en aller, laissant derrière lui l'image d'un homme de grand talent, humble, dévoué à son devoir de soldat et d'officier et à sa famille. Mais il s’est révélé aussi ouvert sur son temps, doté d’un humour fin et discret, charmeur et romantique, à l’élégance d’un dandy à la fois bohême et méticuleux.

 

 

 

 

Sa simplicité lui vaudra de dire:

 

“Et pourtant, tout est intéressant: le brin de muguet autant que le platane! Et si j’avais une devise à choisir, j’adopterais volontiers les vers de Boileau:

 

“Rien n’est vrai que le beau, le vrai seul est aimable”. 

 

Mais il reconnaissait aussi l’importance des sentiments et l’influence qu’ils pouvaient avoir dans sa peinture et l’interprétation de son sujet:

 

"La peinture abstraite est quelquefois agréable à l'oeil. L'esprit peut y trouver son compte... Le coeur jamais!"

 

 

 

 

Jean Gobaille est enterré à Rennes, au cimetière du Nord, près de son épouse Marie Thérèse.

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